Suite à la déclaration de la chargée de presse de Transtu le 03 novembre 2022, dans laquelle elle affirmait que Transtu était en train de finaliser un marché relatif à l'acquisition de 300 autobus d'occasion en négociation directe avec la RATP (France), ajoutant qu’environ 120 bus arriveront à l'entreprise avant la fin de l’année, l'Observatoire Raqabah tient à informer l’opinion publique que le dossier de ce marché, d'une valeur de plus de 15 millions de dinars, est entaché de nombreux soupçons sur lesquels l'Observatoire a enquêté au cours des dernières semaines, dont voici les détails :
1- La décision de procéder au marché a été prise lors du Conseil ministériel consacré à l'examen de la situation de TRANSTU, qui s'est tenu le 27 avril 2022. L'Observatoire Raqabah avait alerté l'opinion publique à l’époque que ce conseil de ministres, présidé de façon contraire à la législation en vigueur par la Secrétaire Générale du Gouvernement Sarah Rjab (révoquée récemment de ses fonctions), au lieu de la Cheffe du gouvernement. L’Observatoire a envoyé une correspondance au président de la republique pour l’informer de l’illégalité de ce conseil de ministres et de la nullité des décisions prises.
L'Observatoire a adressé une demande d'accès à l’information a la Cheffe du gouvernement, pour demander le cadre légal et réglementaire qui justifie la présidence de sa SG dudit conseil, ainsi que des autres conseils ministériels relatifs à l'examen de la situation d'un certain nombre d’entreprises publics. La SG a répondu qu'elle n'avait pas les documents requis et que le conseil qu'elle a présidé était une séance technique qui n'a pas donné lieu à des prises de décisions (voir pièce jointe). C’est faux, étant donné que le Conseil ministériel susmentionné a approuvé les propositions contenues dans l'offre, y compris l'acquisition d’autobus d'occasion (dernière page du PV de du CMR).
2- Le procès-verbal du conseil des ministres précité confirme que c’est Sarah Rjab, SG du gouvernement, qui a poussé vers une négociation directe avec la l'Agence indépendante des transports de Paris (RATP). Elle a indiqué la nécessité de profiter du programme de la RATP visant à abandonner totalement l'usage des bus qui roulent au Diesel à l'horizon 2029 (page 22 du pv du CMR).
3- Raqabah confirme que le programme d'abandon des autobus Diesel concerne toutes les entreprises de transport urbain de l'espace européen, pas seulement l'entreprise parisienne, en application de la directive n°1161/2019 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019. Rien, donc, ne justifie de limiter les négociations au fournisseur français.
4- L'acquisition des autobus d'occasion est soumise à une autorisation exceptionnelle de la Présidence du Gouvernement après dépôt d'une étude financière et technique approfondie aux fins d'application des prescriptions de la Circulaire du Premier Ministre n°43 du 21 septembre 1971 relative à l'acquisition de matériel d'occasion. En conséquence, toute étude financière et technique à cet effet doit tenir compte de l'évaluation de l'efficacité et de la rentabilité des marchés semblables précédents, en se basant sur les rapports de clôture finale des marchés spéciaux.
Dans ce contexte, l'Observatoire a adressé une demande d'accès à l'information auprès du ministre des transports le 10 juin 2022 pour obtenir les rapports de clôture des marchés d’acquisition des autobus urbains d’occasion contractés pour les sociétés régionales de transport urbain. La réponse du ministère du 14 juillet 2022 sous-entendait que les marchés précédents n’avaient jamais été clôturés (voir question et réponse).
5- L’ex SG du gouvernement, Sarah Rajab, a accordé ladite licence au nom de la Cheffe du gouvernement, via une correspondance adressée au ministre des transports le 22 août 2022. Cela valait une autorisation pour recourir à une acquisition de gré-a-gré auprès du fournisseur français. Les négociations entre Transtu et la RATP ont démarré le lendemain même (23 aout 2022), sans passer par un appel d’offres, et sans mentionner les raisons techniques et commerciales de ce choix. Aucun effort n’a été fait pour s'assurer qu'il n'existe pas d'autres fournisseurs capables de répondre aux besoins de l'acheteur public dans des conditions identiques ou meilleures .
6- L'accord conclu comporte des conditions très défavorables pour l’acheteur public: le fournisseur n’a pas accepté de déposer une caution de soumission sous prétexte que le marché n'a pas été conclu via un appel d'offres. Aussi, le fournisseur a refusé de fournir une garantie générale de conformité pour les autobus objet de la transaction, et s'est contenté d'une garantie très limitée dans le temps, avec une définition très étroite de la “non conformité technique” se limitant uniquement aux pannes majeures du moteur et boite de vitesse. Il a rejeté les exigences techniques requises en terme de vidange et autres actions de maintenance. Le prix unitaire des autobus normaux et articulés exigé par la RATP est environ 50% plus cher par rapport aux prix d'achat contractuels lors du marché de 2015. La RATP a imposé le fait que ces prix sont fixes et non révisables. Tout cela rend la marché entouré de risques. Ses résultats ne sont pas garantis en termes d'efficacité, de fiabilité et de coûts futurs de maintenance. La Transtu a déjà une expérience pas très réussi avec le même fournisseur.
7- La RATP n'a pas donné de confirmation sur sa capacité de fournir le nombre d’autobus requis. L'acheteur public a tendance à accepter de conclure un marché conditionnel basé sur des éléments incertains qui ne sont contrôlés par aucune partie et sans garanties.
8- Le coût de transport des autobus proposés par la RATP est très élevé. La possibilité de réviser ce cout avancé par la RATP n’est pas basée sur des critères précisés.
9- La Transtu est entrée dans le processus de négociation directe, après avoir reçu l'approbation de la présidence du gouvernement et de la haute instance de la commande publique, sans avoir donné la moindre information sur comment ce marché serait financé, et sans fournir aucune information concernant la valeur du prêt, le taux d'intérêt , et la durée de remboursement !!
10- L’Observatoire Raqabah a obtenu un rapport d’audit réalisé par la Commission supérieure de contrôle et d'audit des marchés publics le 3 novembre 2022 relatif à l'accord susmentionné. Ce rapport a confirmé tous les manquements et soupçons susmentionnés. Les réponses de la société de transport en Tunisie aux questions contenues dans le rapport sont scandaleuses. Entre autre, les responsables de Transtu ont justifié leur recours à la négociation directe avec la RATP sans activer la concurrence par le fait qu’ils aient mené des recherches préalables sur les prix des bus d'occasion sur des sites Internet.
11- L’Observatoire est totalement surpris de la position de la Haute instance de la commande publique consistant à approuver le marché après avoir été informée de tous les manquements susmentionnés. La correspondance du président de cette instance, Khaled Arbi, adressée à la Transtu envoyée le 11 novembre 2022, contient une violation flagrante des lois et règlements en vigueur et un sérieux soupçon de connivence et complicité.
L'Observatoire est en train de préparer les procédures légales nécessaires et informera le public à leur sujet et sur d'autres détails en temps voulu.